Jehan RICTUS
Auteur
Jehan Rictus ? Une poésie centenaire, qui crie pour nous “aujourd’hui !”.
Une poésie actuelle, c’est bien triste à dire. Qui nous parle comme si elle sortait toute fraîche de notre nouveau millénaire. Quoi, avons-nous fait si peu de progrès, que le « grand squar‘ d’Amour » rêvé par Rictus soit encore aussi loin ?
L’un des plus beaux chants de Rictus, le plus beau peut-être, le fameux « si qu’y r’viendrait », imaginant un retour du Christ sur terre, est une sorte de lamento sur la justice sociale qui n’a pas fait un pouce de progrès depuis l’époque où vivait « l’rouquin au cœur pus grand qu’ la ive », un chef d’œuvre d’une ébouriffante actualité.
Ces chants sont une épopée de la rue, où vit et souffre, une population dont la rue est le domaine et si l’on peut dire la maison…les femmes, et la première prostituée.
Un chant sur la misère des femmes. Sans attendrissement : l’humour et le rire ne sont jamais loin.
La langue du poète est toute fraîche, comme si les fortifs attendaient encore la chanson du « cœur populaire ».
L’argot-oh, pas trop- devient la langue poétique, l’argot qui tout à coup donne au poème la surprise et l’obscur d’un Valéry.
Jehan Rictus, un poète, oui un vrai poète par les inventions et ces métaphores directes, issues d’un seul jet de la langue commune et qui « pilpatent comme un goujon chopé vivant ».
Une très curieuse musique de la langue, qui fait fi des e muets pour la faire sonner autrement.La rime, oui, mais servante et non pas esclave.
Un poète à dire, à chanter, une chanson qui comme toute autre, et mieux, dit ce qui est à tous, le désir, le malheur, le rêve, la faim, l’espérance.
Sans parler d’une autre espérance, présente, celle d’œuvrer pour « remett’ tout en équilibre » puisque « l’homme est tout seul dans l’univers ».
Anne Übersfeld
Éditions Le Geai Bleu
BIBLIOGRAPHIE
– Œuvres. – Les Soliloques du pauvre, dessins de Steinlen, éd. Revue, corrigée et augmentée, Paris, Seghers, 1971
– Fil de fer et le Cœur populaire, Reims, Ed. d’aujourd’hui, « les Introuvables », 1977 et 1982.
– À consulter. Th. Briant, Jehan Rictus, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1973.